Triennale 2013

Princeton University Alexander HallNous arrivons lundi 6 mai à JFK, et un minibus nous dépose chacun chez nos hôtes, pour ces trois jours qui précèdent la Triennale...

 

Mardi 7 mai

A la différence de celle de 2010 qui était consacrée à la visite des sites de la révolution américaine, celle de 2013 a une dimension plus culturelle : avant les conférences historiques qui seront organisées à Princeton, notre voyage comporte la visite de plusieurs musées.

Notre groupe se retrouve pour la première fois au complet à la Frick Collection, à proximité du Centre Culturel Français, sur la 5° avenue. Nous sommes accueillis par le Président Général de la Société des Cincinnati, Skid Masterson, et par le directeur du musée qui nous laisse ensuite en compagnie de la charmante Inge Reist , « Director of the Center for the History of Collecting ».

Outre les collections exceptionnelles qu’il contient, l’originalité de ce centre est qu’il rassemble toutes les informations possibles sur la vie des œuvres, (peinture et dessins), depuis leur création : photos, catalogues de ventes aux enchères, articles de presse spécialisée, recueils de toutes sortes.
Dans la bibliothèque, normalement réservée aux chercheurs, Inge Reist nous présente des documents rares et souvent émouvants ; elle a choisi ceux qui sont de nature à intéresser plus spécialement les français, en particulier la famille du duc de Choiseul Praslin.
Henry Clay Frick, simple ouvrier devenu le grand industriel qui a fait fortune dans le charbon et l’acier, était doué d’un goût très personnel et très sûr. C’est ainsi qu’il a fait l’acquisition d’œuvres exceptionnelles parce qu’elles le touchaient. Elles sont exposées dans un véritable palais qu’il a fait construire en 1913 et où il aimait savourer cette intimité avec la beauté.

S’arrachant nous aussi à cette complicité, notre groupe est reçu à déjeuner à l’ « Union Club ». Club « social », au sens où on n’a pas à y faire des affaires, il offre beaucoup de facilités à ses membres : salons somptueux, bibliothèque de rêve, salles de sport, de squash, de billard … L’un de ses membres, grand champion de billard français, nous démontre qu’il est plus sûr de jouer 4 ou 5 bandes que de toucher directement les deux boules… Heureusement, le déjeuner nous remet de ces émotions, par la qualité de sa cuisine exceptionnelle, dans une très belle salle à manger donnant directement sur Central Park.

Nous sommes accompagnés par John Shannon, membre de la société du New Jersey, notre mentor pour ce séjour new yorkais, qui parle un français parfait et se met en quatre pour nous faciliter la vie.

L’après-midi se poursuit au Metropolitan Museum of Art (MET) où nous sommes conduits dans l’aile de l’art américain récemment réouverte. Notre guide nous commente le fameux tableau du « Washington Crossing » : monument de l’histoire américaine à lui tout seul, il a été récemment restauré et exposé dans ce musée.
Après des mois de déconvenues militaires, G Washington lance une attaque désespérée à Noël 1776, contre les Hessois et les « Red Coats » cantonnés à Trenton, en traversant au cours d’un hiver très rude et contre toute attente, la Delaware glacée ; grâce à ce coup d’éclat, il retournera le sort en la faveur de la « Cause ».
Dominé par la majestueuse stature de G Washinton, ce bateau contient 13 personnes, dont la diversité des tenues et des visages représente les Etats, les populations, les catégories sociales, les races… et même peut-être une femme. Excellente introduction à notre visite de ce site, quelques jours plus tard.

Dans un musée aussi riche, chacun oriente ensuite sa visite en fonction de ses préférences. A signaler la réinstallation de l’aile américaine, où se côtoient de grands noms de la peinture et de la sculpture ayant vécu dans le Paris d’avant 1914, qui attirait alors tous les talents et que fait revivre D Mac Cullough dans son dernier livre « Americans in Paris » : Mary Cassatt, Saint Gaudens, Sargent, Morse (également l’inventeur du morse).

John Harvey clôture cette journée en recevant notre délégation et les membres éminents de cette triennale dont il est le président : un appartement comme le sien est destiné à procurer des souvenirs inoubliables à ses amis et à ses invités.

 

Mercredi 8 mai

La journée est libre jusqu’à 15h, et beaucoup d’entre nous se rendent au MOMA (Museum of Modern Art), qui bat des records d’affluence. A cause de l’orage et de la pluie qui se déchainent ? Certes non.
Comme souvent dans les musées, les visiteurs comptent de nombreux français, fréquemment accompagnés de leurs enfants. Mais ce réconfort pèse peu pour un visiteur pris dans une telle foule : en quête d’émotions esthétiques, son regard n’a que le temps d’une rapide échappée sur les œuvres, entre des silhouettes animées d’un mouvement brownien…

Un nouveau car nous emmène de New York jusqu’à l’hôtel Mariott à Princeton, accompagnés de nos hôtes. Nous passons sous Central Park et descendons Colombus av, à l’ouest de Central Park, quartier sympathique avec des magasins originaux, où on aimerait s’arrêter…une autre fois.

A Princeton, nous nous installons dans ce bel hôtel, très étendu, et situé au milieu des arbres, pour repartir très vite à l’Université de Princeton, où nous sommes reçus dans l’ancienne résidence du Président, transformée maintenant en lieu de réception et de rencontres d’intellectuels de haut niveau.
Ce soir, la nôtre est marquée par une grande convivialité, soulignée par les toasts du Président Général et de Raynald de Choiseul.
Par son prestige et sa notoriété, cette université a formé des personnalités importantes dans tous domaines et choisi de grands présidents, comme nous le rappellent les photographies à l’entrée : avant de devenir président des Etats-Unis, Woodrow Wilson a présidé Princeton, où il était connu pour ses hautes aspirations.

 

Jeudi 9 mai

Accompagnés du Président général sortant, de son successeur (Ross Perry), et de leurs épouses, nous prenons le car pour Morriston, à 30 miles de New York, où G. Washington a passé deux hivers très éprouvants (de janvier à mai 1777 et de décembre 1779 à juin 1780), avec les troupes qui lui restaient. Le président du musée, Harry Carpenter, nous accueille en costume d’époque comme l’équipe sympathique qui l’accompagne.

Dans les guerres du XVIIIe siècle, en raison du froid et de la neige, les hivers étaient des périodes de trêve. Les victoires que G. Washington venait de remporter à Noël 1776 à Trenton et Princeton, étaient des exceptions, justement dues en partie à l’effet de surprise. Dans les jours qui ont suivi, il s’est donc installé à Morriston qui constituait une position stratégique, bien protégée, d’où il pouvait surveiller les mouvements éventuels des anglais restés à New York, en attendant la fin de l’hiver.

Mais la situation était critique et le moral très bas : les soldats, dont les contrats étaient souvent arrivés à terme, voulaient rentrer. Les convaincre de continuer et en recruter de nouveaux représentait une gageure faute d’argent. Washington ne pouvait guère les payer, pas plus que les vêtir. De plus, le froid, extrêmement dur, surtout le 2ème hiver (le plus froid du siècle), mettait l’armée à rude épreuve : la neige arrivait à hauteur d’homme, et certains n’avaient plus qu’une simple couverture sur le corps.
La maladie faisait des ravages, et la faim aidant, il a même fallu calmer des mutineries.
Ces souvenirs sont rassemblés dans un musée et dans la maison de Madame Ford (Ford Mansion) qui, avec ses 4 enfants, a hébergé de 30 à 100 personnes, ce qui était beaucoup, même pour une grande maison !… Sans compter que G. Washington y a reçu aussi des hôtes de marque comme, par exemple, La Luzerne et Morales, les ambassadeurs de France et d’Espagne.
Nous visitons ensuite le campement où les 5000 soldats avaient construit leurs cabanes en rondins, qui contenaient chacune 12 personnes. Heureusement, les arbres ont eu le temps de repousser depuis, car il a fallu défricher 2000 acres à l’époque, pour satisfaire tous les besoins de ce camp !

En mai 1780, La Fayette arrive, et annonce de l’aide de la France ; fin juin, les continentaux remportent une victoire qui fait reculer les anglais.

A proximité, le maire de Hanovre, Ronald Francioli, nous accueille là où les armées de Rochambeau ont rejoint celles de G Washington, le 27 août 1781, soit un an plus tard, pour faire route ensemble vers le Sud, jusqu’à Yorktown qui allait sceller la victoire en octobre suivant. Une plaque, installée sur le lieu de ce campement, rappelle ce moment mémorable.
Le Président des Cincinnati de New Jersey, Kelly Stewart, nous reçoit dans la taverne Grain House, qui a gardé tout le charme de la période où elle a été installée, 1768, pour un déjeuner chaleureux offert par l'un de nos hôtes de New York, Marco Grassi.

Au retour à l’hôtel, nous retrouvons les participants à la Triennale qui viennent d’arriver, ce qui donne lieu à des « retrouvailles » émues, qui se poursuivent lors de l’apéritif et du diner pris sur place.

 

Vendredi 10 mai

L’Assemble générale des Cincinnati comporte deux phases, la première, celle du vendredi, se tenant à Alexander Hall, la grande salle du « College du New Jersey », rebaptisé depuis « Université de Princeton ». Utilisée pour les besoins de l’université, comme pour toutes les grandes occasions, elle contient près de 900 places ; construite en 1894 et rénovée en 1984, elle est considérée depuis comme l’une des meilleures salles de concert du monde.
Comme pour chaque réunion, ou repas, le Révérend Roulette ouvre la réunion grâce à la prière de Washington, qu’il complète par la sienne.
Ensuite, selon un cérémonial immuable, arrive le moment où chaque membre présent répond vigoureusement à l’appel de son nom – il y en a environ 140 –. Suivent les rapports d’activité présentés par les officiers généraux de la société, à commencer par le Président Général, puis le Vice-président, le duc de Choiseul Praslin. Comme il se doit en terre anglo-saxonne, il commence avec humour et modestie, en citant John Adams qui, avant d’être élu président, avait déclaré alors qu’il n’était que vice-président : « Je n’étais rien, mais j’aurais pu être tout… » Après qu’il ait rappelé son souci constant de renforcer les liens entre les sociétés des deux pays, les membres lui offrent une longue et émouvante « standing ovation » qui salue son action et témoigne de leur attachement et de leur reconnaissance à son égard et à travers lui, à notre société française.
Au fil des rapports, nous apprenons aussi que les gestionnaires de la Société des Cincinnati lui ont permis de passer à travers la crise, non seulement sans obérer sa situation financière, mais aussi avec des résultats que beaucoup envieraient. Sans surprise, les rapports sont approuvés.

Puis, à 11h, démarre la première des 3 conférences liées à l’histoire de la guerre d’Indépendance. Deux historiens, Gordon S Wood (Brown University) et Steven Pincu (Yale University) échangent de façon très vivante sur les causes de la guerre d’indépendance, vues tant par les américains que par les anglais. Ils éclairent en particulier les motivations économiques dans le jeu des empires qui s’affrontaient. Ce qui a mis le feu aux poudres est certes le fait que l’Angleterre soumette les américains à de nouvelles taxes sans qu’ils aient pu être représentés lors des décisions. Mais le contexte économique était déjà explosif.

Puis nous déjeunons dans la grande tente installée à coté de Morven House, belle maison construite en 1701, et résidence du gouverneur après la dernière guerre. Auparavant, la délégation française dépose une gerbe au pied du « Princeton Battle Monument », en présence de la société des Cincinnati du New Jersey.

Beaucoup profitent de l’après-midi pour visiter davantage l’Université qui, malgré un même style néogothique, est très différente de celle de Yale où avait eu lieu la dernière triennale. Cette dernière est composée de bâtiments élevés, insérés dans une ville dense et de mêmes proportions. Au contraire, on sent que Princeton a d’abord été un établissement d’enseignement supérieur, doté de bâtiments de trois ou quatre niveaux maximum, largement disposés dans un parc, et autour duquel une ville de même hauteur s’est développée. A Yale, l’atmosphère est celle d’une vraie ville (avec des problèmes de sécurité), tandis que Princeton correspond davantage à ce que les français visualisent quand on leur parle de campus américain.

Au-delà des volumes et de l’architecture, quelle surprise pour un français de voir au sein de l’université : une place « Firestone », un musée « Mac Cormick » dont l’exposition temporaire « Capitalism, Democracy, and American Portraiture »présente les portraits des grands capitaines d’industrie, membres de la Chambre de commerce de New-York pendant plusieurs décennies du 19 et du XX° siècle… Autant se demander quelle université française ou même grande école afficherait les patrons du Cac 40 !
Au demeurant, la visite de ce musée est à recommander. Propriété de l’Université, il rassemble des œuvres très variées, offertes par les anciens élèves, en particulier une très belle collection d’art précolombien, des objets de la Chine ancienne, des peintures européennes et américaines de la Renaissance à nos jours.

Cette université honore aussi ses morts : dans Nassau Hall, son premier bâtiment, construit pour l’enseignement en 1754, et qui abrita aussi un hôpital pour les « insurgents » puis pour les anglais, le hall contient tous les noms des « alumni » morts au combat. A l’extérieur, une sculpture très sobre fait mémoire des 13 anciens élèves morts dans les Twin Towers.

Après notre diner qui a lieu à la Morven House, l’historien David Hackett Fischer campe cette période de la fin 1776 au cours de laquelle Washington décida de lancer ce coup de génie qui a retourné la guerre, malgré tous les auspices défavorables qui auraient dû l’en dissuader. Son livre « Washington Crossing », publié en 2004, a remporté le prix Pulitzer attribué à un ouvrage historique.

 

Samedi 11 mai

La 2° partie de l’Assemblée générale à se tient à la Presbyterian Church et commence de la même façon : prière, et appel des noms. Quelques points d’ordre du jour soulèvent des questions auxquelles les réponses sont aussitôt apportées dans une belle unanimité.
Puis le cours habituel change, faisant place à une innovation : cette fois, chaque état présente son rapport d’activité.
Pour la France, cette intervention est assurée par Edouard Scott de Martinville, au nom du Président, le duc de Choiseul Praslin, qui siège déjà comme Officier Général. Il rappelle les moments importants qui se sont déroulés depuis la dernière triennale : les commémorations de Yorktown, et, à cette occasion, les visites organisées pour accueillir la délégation de nos amis américains dans différentes régions françaises, les échanges de boursiers durant l’été, les deux nouvelles bourses créées l’une à Mount Vernon, l’autre au Musée Picasso à Paris, et une série de conférences dont la dernière a été consacrée aux opérations navales durant la guerre d’Indépendance.

Puis viennent les rapports de chacune des dix sept commissions. A signaler, Bill Raiford, chargé de celle des échanges F/US, qui souligne la qualité de sa collaboration avec Dominique de Roquefeuil, et rappelle que Bernard de Montferrand est venu en qualité de boursier en 1967.

L’intervention du directeur général, Mr Jack Warren résume bien les objectifs de l’association, lorsqu’il reprend avec beaucoup de conviction les axes présentés par les rapporteurs des commissions : faire connaître l’histoire et les valeurs défendues pendant la guerre d’Indépendance, pour qu’elles se perpétuent dans un monde en perte de repères. Outre l’objectif de développement de la société sur lequel insistent John Harvey et la commission spécialisée, un accent très fort est mis sur communication, et sur le site Internet rénové. Dans ce but, un Institut a été créé, dont la directrice met à disposition des outils pédagogiques pour les enseignants, organise des visites, etc…

L’Assemblée élit ensuite les nouveaux officiers généraux, que nous connaissons déjà bien pour certains d’entre eux, car plusieurs nous ont fait l’honneur de nous accompagner depuis New York : Ross Perry, le nouveau Président, Jonathan Woods, le nouveau Vice Président. Après le dernier discours de Skid Masterson et le premier de Ross Perry, vient un moment d’intense émotion : quand l’ancien président général, Forrest Pragoff, appelle à la tribune celui dont tout montre qu’il est vraiment son ami, Raynald de Choiseul, pour lui remettre son diplôme de past Vice President General. La chaleur des sentiments bouscule les usages, au point que son épouse Ghislaine est aussi invitée à monter à cette tribune, devenant peut-être la première femme accueillie à cette place dans une Assemblée générale des Cincinnati !

Après le déjeuner, le professeur Gordon Woods nous parle de la personnalité de G. Washington et de ses rapports avec son entourage. En conclusion, il dresse ce triste constat : désormais, l’histoire est écrite par des historiens qui parlent à d’autres historiens comme eux, et qui publient des monographies ponctuelles, sans vision de synthèse. Alors que les livres accessibles sont écrits plutôt par des journalistes qui, eux, savent parler aux lecteurs…

Ensuite, les préparatifs de la grande soirée occupent grandement les esprits, la pluie ajoutant des préoccupations inattendues. Mais tout le monde est présent à l’heure dite, et se succèdent alors les photos de cet inoubliable évènement, et surtout des tenues si élégantes, photos qui sont impatiemment attendues outre-Atlantique, c’est-à-dire en France !
Le dîner commence avec les traditionnels échanges d’insignes, certains recevant les attributs des officiers généraux, sans que les autres retournent vraiment tous à leur charrue…Et finalement, tous dansent sans limite d’âge ; il n’y a pas de moins de 7 ans, mais beaucoup de plus de 77 ans ! Sur un plan géographique, on constate que les Français sont toujours sur la piste jusqu’aux derniers moments.

 

Dimanche 12 mai

L’office dominical se tient à la Chapelle de l’Université, riche de souvenirs : ainsi, par exemple, les pièces de bois des prolonges d’artillerie de la guerre de 1914 ont été réutilisées pour en faire des bancs. La doyenne et son adjointe nous invitent à la prière, accompagnées de la chorale de Princeton, avec un merveilleux ténor soliste.
Les couleurs magnifiques de la robe tunique de la pasteure nous donnent des idées pour les bénévoles de l’Eglise catholique. A la fin de la cérémonie, des étudiants d’origines très variées reçoivent des prix pour leurs actions : outre des américains, une jeune femme voilée, une autre indienne, des japonais, des chinois…

Après un brunch rapide et des adieux trop courts, un car nous attend pour aller là où Washington a traversé la Delaware à Noel 1776, évènement qui n’a pas quitté notre esprit depuis notre arrivée à New York. Outre Ross Perry et Jonathan Woods, nous accompagnent aussi le nouveau secrétaire général, William Pless Lunger et son épouse Mary, qui viendront à Paris cet automne ; le président du New Jersey, Kelly Stewart est toujours avec nous.

Le centre qui commémore ce grand évènement, est aménagé dans un grand parc agréable, le long d’une rivière beaucoup moins large que le tableau ne le faisait croire … On se rappelle que G. Washington voyait arriver le terme des contrat d’une bonne partie de ses troupes au 31 décembre : il y avait urgence. Il a quand même décidé l’opération alors qu’il n’avait que 2500 hommes, soit la moitié de ses effectifs ; les autres étaient plus en aval, le long de la rivière, mais il n’avait pas le temps de les faire descendre dans la neige, pour remonter de l’autre coté.
Il a même fallu convaincre les troupes, tout d’abord très réticentes, en leur promettant 10$...

L’armée de Washington est arrivée le 26 décembre au matin, et les hessois étaient très fatigués, à cause des escarmouches montées en permanence, des embuscades … Et non pas parce qu’ils auraient trop bien fêté Noel, contrairement à une idée trop répandue.
Ensuite, le général Washington s’installe au-dessus d’un pont à l’est de Trenton, et le général anglais Cornwallis n’arrive pas à le prendre. Se sachant une cible idéale pour les anglais, il s’échappe, contourne cette armée par derrière, l’attaque et gagne.
Ces deux victoires constituent le tournant de la guerre ; alors qu’il n’avait pas gagné de batailles depuis longtemps, qu’il était contesté par d’autres généraux, il redonne moral aux troupes, et au-delà, à son camp. Après, il s’installe à Morriston (cf. plus haut), où la situation va devenir à nouveau très difficile.

Arrivés à Philadelphie, James Burke nous conduit à la très belle maison, construite en 1786, du docteur Physick, « Père de la chirurgie aux Etats-Unis » ; après plusieurs années passées à Londres, dont il revient en 1792, il est l’un des rares médecins qui restent à Philadelphie pendant la grave épidémie de 1793 pour continuer à y soigner les malades.
Ce très bel intérieur, décoré de papiers peints superbes, dont certains viennent de Zuber, contient de nombreux souvenirs, y compris des instruments de chirurgie qu’il a inventés et qui existent encore aujourd’hui. On y trouve aussi des instruments utilisés par Benjamin Franklin pour les expériences qu’il réalisait avec son ami, le grand père du Dr Physick. Les bureaux de la société des Cincinnati de Pennsylvanie sont installés au 2° étage. Après un cocktail dinatoire, nous rentrons à l’hôtel non sans avoir salué Liberty Bell qui appela les colons à venir entendre la proclamation de l’Indépendance.

 

Lundi 13 mai

A quelques kilomètres au N-O de « Philly », les quelques 100 hectares de Longwood Gardens nous offrent un véritable enchantement, malgré un temps parfois maussade : la nature n’est-elle pas belle sous tous les temps et à toutes saisons ? Surtout celle-ci, qui se déploie sous toutes ses formes : à l’origine, un arboretum devenu un parc anglais dont les arbres atteignent des hauteurs inimaginables en Europe, jardin d’eau à l’italienne, mix-borders à l’anglaise, jardins de glycines, de pivoines, de roses, de topiaires, sans compter les 20 000m² de serres…. Le visiteur est plongé au milieu d’un nouvel Eden, avec toutes les plantes qu’on trouve à profusion sous d’autres climats ; n’oublions pas les orchidées, les bonzaïs.
Initialement propriété d’un Quaker, qui avait commencé à planter des arbres au 18° siècle, ce jardin s’est continuellement développé et a ensuite été repris par Pierre du Pont, héritier de la compagnie Du Pont de Nemours, qui a pu lui donner un nouvel élan.

Notre déjeuner offert par Forrest et Page Pragoff, venus en voisins, nous fait vivre un autre moment de grande amitié : nous sommes accueillis par une bonne partie de nos amis de la société générale, les Perry, Jonathan Woods, les Lunger, le président du New Jersey, Kelly Stewart, qui est toujours avec nous, Frank Turner, trésorier adjoint, venu en famille…
Encore quelques pas dans ce parc étonnant, entretenu par 400 salariés et 800 bénévoles, et nous rentrons.

Dernier diner, dans la célèbre City Tavern, où nous avons la joie de retrouver Chuck Coltman et son épouse Leslie qui nous avaient si gentiment reçus à Delaware Beach à la fin de la triennale précédente. Ouverte en 1773, cette taverne est devenue très vite le lieu de rencontre de ceux qui comptaient et qui ont donné naissance au nouvel Etat. En 1787, les constituants y fêtent l’adoption de la nouvelle constitution qui est toujours en vigueur.
Rénovée pour retrouver son état de l’époque, elle nous replonge dans une atmosphère d’autant plus chaleureuse, que nous rentrons déjà demain en France. Une exposition de souvenirs nous est présentée, en particulier une lettre signée de Lafayette. A cette occasion nous apprenons que dans quatre ans, Philadelphie, historiquement la première capitale des Etats-Unis, et ville chargée d’histoire, s’honorera d’un musée consacré à la Révolution Américaine , de façon à perpétuer les valeurs qui l’ont inspirée, dans l’esprit affiché lors de l’Assemblée générale de Princeton.
Les toasts célèbrent cette indéfectible amitié.

 

Mardi 14 mai

La Barnes Collection nous est exceptionnellement ouverte, nous permettant de contempler le plus grand musée de l’époque impressionniste , avec 186 (!) Renoir, mais également des Cézanne, Matisse ; Picasso, Seurat, Toulouse Lautrec, Van Gogh, Modigliani, Soutine. Et tant d’autres.

Après tant de merveilles, l’heure du départ a sonné et nos adieux sont un au revoir pour les prochaines manifestations, qui se dérouleront dès octobre prochain, en France.