La mer et la France, par Olivier Chaline

La mer et la France

Voici un vaste sujet dont la pertinence à l’ère de la mondialisation, n’échappera certainement pas au lecteur.


Notre collègue, le professeur Olivier Chaline, vient de publier un ouvrage de grande qualité sur les rapports entre la mer et les Français à l’époque des Bourbons. Une présentation aussi globale, qui ne néglige aucun des aspects de cette passionnante question, manquait. Outre la mise en perspective des développements spectaculaires que connut cette période dans bien des domaines, l’auteur dresse un bilan exhaustif de la politique maritime conduite pendant deux siècles « quand les Bourbons voulaient dominer les océans ».

Pour dresser son constat, Olivier Chaline observe la France à partir de la mer ; c’est toute l’originalité de sa démarche. Il en tire la conclusion que sous le règne des Bourbons, la mer, milieu complexe, hétérogène, changeant et souvent hostile, a pris alors une importance sans précédent dans la vie des Français.

Notre pays a connu une dilatation considérable de ses horizons maritimes, conséquence, entre autres, du développement des activités de ses flottes de pêche, à la morue en particulier, mais également des activités de ses flottes de commerce ; que l’on songe à la Compagnie des Indes.

Ce fut aussi l’époque des grands investissements dans les arsenaux, comme des travaux d’aménagement des côtes et des ports : du phare de Cordouan au début du XVIIe siècle, au port de Cherbourg à la fin du XVIIIe siècle.

Ce fut également la prise de conscience par l’ensemble du pays des besoins à satisfaire pour assurer la mise sur pied, le maintien en condition et l’approvisionnement des escadres du roi. Ce fut aussi pour les industries de l’intérieur des terres, le développement d’une production destinée à l’exportation, de textiles principalement. Tout ceci nécessitait des navires et des équipages. Olivier Chaline met bien en lumière les problématiques de la construction navale à cette époque, comme celles de l’armement des unités. Il décrit enfin de façon très précise, la vie des équipages, leurs conditions de navigation et de conduite de leurs diverses activités sur toutes les mers du globe.

À la fin du règne des Bourbons, la France, puissance continentale s’il en était, devint la deuxième puissance maritime mondiale. Le retour des escadres du roi dans la Manche et la magnifique campagne de Suffren en océan Indien en furent les signes les plus visibles. La France était cependant très largement devancée par l’Angleterre et chercha dans le « pacte de famille » avec l’Espagne une voie pour essayer de rétablir l’équilibre. Pour Olivier Chaline, les raisons essentielles de ce retard furent les suivantes : un développement très insuffisant de la flotte de commerce, une influence maritime à Versailles, trop faible, en particulier de la part des officiers du « Grand Corps », des points d’appui dans le monde très peu nombreux et des facilités d’entretien des navires en métropole trop limitées, avec un nombre insuffisant de formes de radoub, une organisation financière mal adaptée à la pérennisation et à la rentabilisation des activités maritimes. Nombre de ces enseignements ne devraient pas être oubliés par un pays qui possède aujourd’hui, le deuxième espace maritime mondial.