de 1763 à 1789

Paradoxalement, la paix consécutive au traité de Paris qui apportait à l'Angleterre de vastes territoires, créa plus d'un problème entre la métropole et les colonies. La France avait été éliminée de l'immense bassin du Mississipi ; mais tant par leurs alliances avec les Indiens que par l'établissement de forts et de postes, les Français avaient maintenu l'ordre dans cette région. Seule maintenant, l'armée britannique pouvait jouer ce rôle. Une mission pour occuper les forts français envoyée par le général Amherst rencontra l'opposition des Indiens, et Pontiac, un chef de tribu, devint l'âme de la résistance.

Très intelligent, il comprit que les Anglais seraient plus dangereux pour les Indiens que ne l'avaient été les Français qui, du fait de leur implantation peu nombreuse, ne convoitaient que peu de terres. Les Indiens, en revanche, connaissaient la marche inexorable de la colonisation anglo-saxonne. Pontiac prépara un soulèvement qui échoua. Les Français, à la demande d'Amherst, informèrent les Indiens qu'une paix était signée entre eux et les Anglais, et qu'ils ne pouvaient donc plus les soutenir.

Pontiac fit la paix, mais elle ne fut acceptée par les tribus qu'après de longues luttes, des raids et des massacres. La pacification de l'Ouest n'était pas encore faite.

Cependant, des problèmes d'un autre ordre devaient surgir pour les Anglais qui venaient d'hériter de vastes étendues qu'il fallait administrer, défendre et organiser, et cela coûtait fort cher. Une population française au Canada, la surveillance d'une longue frontière avec les Indiens rendirent nécessaire la présence en Amérique d'une armée d'au moins 10 000 hommes.

Or les dépenses des colonies étaient environ 25 fois supérieures aux revenus que Londres en tirait et, puisqu'elles n'étaient pas capables de voter les dépenses nécessaires, c'était à l'Angleterre à prendre les mesures pour trouver les fonds, et ce furent principalement ces dispositions qui amenèrent le mécontentement chez les colons et finalement la révolte.

Les colonies du Nord faisaient depuis toujours commerce avec les Antilles françaises et espagnoles ; les négociants américains y achetaient des mélasses qu'ils transformaient en rhum de traite ; celui-ci servait à acheter des esclaves en Afrique qui étaient revendus contre de nouveaux stocks de mélasse acheminés vers la Nouvelle-Angleterre.

La loi sur les mélasses de 1733 frappait d'un droit prohibitif tout achat de cette denrée sur le marché des Antilles. Mais les contrôles furent peu stricts et une contrebande très active s'installa. En 1764 fut voté le "Sugar Act" qui diminuait le droit perçu, mais alourdissait les contrôles.

En Février 1765, le Parlement anglais vota le "Stamp Act" qui devait fournir au Gouvernement anglais une contribution d'environ 100 000 livres pour entretenir son armée en Amérique. En 1766, cette loi fut abrogée, mais la loi Townshend de 1767 qui prévoyait un nouveau droit d'importation sur les produits indispensables aux colonies, notamment le thé, fit s'évanouir les dernières chances de conciliation.

Le 16 Décembre 1773, eut lieu ce qu'on a appelé ironiquement la "Boston Tea Party" où les colons jetèrent à la mer une cargaison de thé évaluée à 100 000 livres.

Londres réagit par une série de cinq lois appelées par les colons les "lois intolérables", la cinquième, connue sous le nom de "Québec Act", privait les colons des provinces récalcitrantes de tout le territoire situé au nord de l'Ohio et à l'est du Mississipi, le rattachait au Canada et assurait dans cette province une situation privilégiée à la religion catholique, celle des nombreux Français qui l'habitaient.

Le conflit devenait difficilement réglable par la voie légale. Des milices furent levées, des escarmouches eurent lieu et le sang coula. Les dirigeants "Insurgents" préparèrent la population à la rupture définitive avec l'Angleterre.

C'est ainsi que Thomas Jefferson prépara le texte de la Déclaration d'Indépendance qui fut proclamée à Philadelphie le 4 Juillet 1776.

Des courriers la portèrent aux quatre coins des treize colonies. Mais les liaisons étaient encore si rudimentaires que la Déclaration mit plus de 31 jours pour parvenir en Géorgie. Quand les habitants de cette colonie en prirent connaissance, la nouvelle était parvenue depuis une semaine à la Cour de France où elle produisait un effet considérable.

En effet, dans le texte de la Déclaration, on faisait état de la possibilité de contracter des alliances : c'était déjà un clin d'œil vers la France.

Pendant près de deux ans, les colons américains, commandés par le général Washington, combattirent vaillamment les troupes anglaises, avec des hauts et beaucoup de bas. La situation était difficile, car les insurgents avaient trois ennemis à combattre les Anglais, les Indiens et les Loyalistes.

L'hiver 1776-1777 fut terrible, mais la victoire de Saratoga le 17 Octobre 1777, où le général anglais Burgoyne capitula avec 5 000 hommes, redonna du moral aux Américains et pourrait avoir eu une influence déterminante sur la décision du Roi Louis XVI d'intervenir aux côtés des insurgents,

Dès avant Saratoga, grâce à Beaumarchais et à d'autres émissaires moins connus, des transports d'armes et de munitions furent acheminés à travers l'Atlantique. En Juin 1777, arrivèrent en Amérique des chefs militaires français, tels que le marquis de La Fayette et le général de Kalb, bavarois d'origine, qui inculquèrent aux troupes américaines les principes de la manœuvre sur le terrain, l'utilisation rationnelle de l'artillerie et de la cavalerie, ainsi que les rudiments de la discipline ; mais ce qui manquait cruellement aux Américains, c'était une flotte de guerre.

Le 6 Février 1778, fut signé à Paris le "Traité d'Amitié et de Commerce conclu entre le Roi et les Etats-Unis de l'Amérique Septentrionale" ; les convois de fournitures militaires furent intensifiés. Un premier prêt fut consenti que d'autres allaient suivre.

En 1779, le vice-amiral d'Estaing, après s'être emparé brillamment de la Grenade, en Juillet, jetait l'ancre le 9 Septembre à l'embouchure de la rivière de Savannah. Après un débarquement réussi de 3 000 hommes, d'Estaing et le général américain Lincoln mirent le siège devant Savannah. En raison en partie d'une mauvaise coordination franco-américaine, cette opération se solda par un échec et d'Estaing dut rembarquer (Octobre 1779)

Mais la France était décidée à envoyer des renforts substantiels en Amérique. Une escadre de huit vaisseaux et de deux frégates aux ordres du chef d'escadre de Ternay, escortant 26 bâtiments transportant 5 500 hommes, quitta Brest le 2 Mai 1780. Elle arriva sans incidents à Newport le 11 Juillet. Le corps expéditionnaire terrestre était aux ordres du lieutenant-général marquis de Rochambeau.

Le 20 Septembre 1780, à Hartford (Connecticut), eut lieu la rencontre de Washington et de Rochambeau, organisée par La Fayette. Les deux chefs s'apprécièrent aussitôt. Mais Rochambeau estima que, pour bien exécuter les plans américains, il fallait obtenir de Versailles plus de troupes, plus d'argent, et surtout plus de vaisseaux pour obtenir la supériorité navale.

Or, le 13 Octobre 1780, un changement important intervint dans la composition du ministère de Versailles. Sartine, ministre de la Marine, était contraint de démissionner et remplacé par le lieutenant-général marquis de Castries. De même à la guerre, le Prince de Montbarrey était remplacé par le marquis de Ségur. Castries comprit tout de suite :

  • qu'il fallait augmenter les effectifs, français en Amérique,
  • qu'il fallait renforcer l'escadre de Newport pour qu'elle puisse manœuvrer en dépit des escadres anglaises,
  • qu'il fallait donner à la flotte des Antilles des instructions suffisamment élastiques pour que son chef restât libre d'appuyer les forces franco-américaines au moment le plus opportun.

C'est la raison pour laquelle il chargea de Grasse qui venait de faire une campagne exemplaire aux Antilles et, de plus, très ami de Bouillé, Gouverneur des Iles du Vent, de partir pour les Antilles avec une armée navale de vingt-huit vaisseaux et de six frégates, escortant 92 navires marchands, et de se tenir aussi à la disposition de Rochambeau et de Washington pour appuyer les opérations terrestres sur le sol américain.

L'Arinada quitta Brest le 22 Mars 1781 pour arriver à Saint-Domingue le 15 Avril. En route, le 5 Avril, au large des Açores, elle avait rencontré la frégate "La Concorde" portant la marque du chef d'escadre de Barras ; cet officier-général monta à bord du "Sagittaire" et fit voile vers Newport, escortant du matériel et 660 recrues pour le général de Rochambeau, ainsi qu'un courrier de Grasse pour le général commandant en chef. De plus, Barras devait remplacer Ternay qui venait de décéder.

Après de très belles victoires aux Antilles (Martinique, Tobago), l'Armée navale de Grasse vint mouiller le 8 Juillet 1781 à Cap Français (la meilleure rade de Saint-Domingue, aujourd'hui Cap Haïtien.), où l'on reçut les lettres de Rochambeau et de Washington arrivées par la "Concorde".

Le 3 Août, l'Armée navale quitta Cap Français en direction de la Chesapeake.

Pendant ce temps, en Amérique, le 19 Août 1781, le corps de Rochambeau franchit l'Hudson à King's Ferry.

Le 30 Août, Washington et Rochambeau font leur entrée à Philadelphie au milieu d'un grand enthousiasme.

Le même jour, l'Armée navale de Grasse double le Cap Henry et entre dans la Chesapeake.

Le 2 Septembre, on procède au débarquement des 3 300 hommes du marquis de Saint-Simon, embarqués par de Grasse à Saint-Domingue.

Le lendemain, 3 Septembre, la liaison est effectuée par Saint-Simon et ses troupes avec les 1 500 hommes (tous Américains) de La Fayette qui, après son échec à Jamestown, s'était replié sur Williamsburg, où se fit la concentration.

Le 5 Septembre 1781, de Grasse remporte la victoire décisive de la Chesapeake sur la flotte de l'amiral Graves, renforcée de celle de Hood. Un conseil de guerre est tenu le 18 Septembre à bord de la "Ville de Paris" (Vaisseau amiral de Grasse, vaisseau à trois ponts de 110 canons) entre Washington, Rochambeau et Grasse.

Le Général anglais Cornwallis s'était retranché dans les places fortes de Yorktown, et de Gloucester. Dès le 28 Septembre, commencent les manœuvres d'investissement par les forces franco-américaines de ces deux places fortes.

Le 8 Octobre, la tranchée est ouverte devant Yorktown par l'ingénieur Quérenet de la Combe.

Le 19 Octobre 1781, Cornwallis capitule et rend aux forces alliées les places de Yorktown et de Gloucester.

La guerre continua encore quelque temps, puis l'Angleterre engagea les négociations secrètes avec Benjamin Franklin, John Adams et John Joy. Les Américains se méfiaient de la France, la soupçonnant de s'opposer à l'expansion américaine dans la vallée du Mississipi.

Après un certain nombre de vicissitudes, dont un accord séparé signé entre la Grande Bretagne et les Etats-Unis en Novembre 1782, le traité de paix mettant fin définitivement à la guerre fut signé à Versailles le 3 Septembre 1783.

L'indépendance des Etats-Unis était formellement proclamée. La France retrouvait Sainte-Lucie et conservait Tobago. Elle pouvait à nouveau fortifier Dunkerque. Elle disposait d'un établissement au Sénégal, la liberté des comptoirs de l'Inde, le maintien de la pêche à Terre-Neuve et la possession de Saint-Pierre-et-Miquelon. L'Espagne n'avait pu récupérer Gibraltar, mais conservait Minorque et retrouvait la Floride.

On peut considérer le traité du 3 Septembre 1783 comme une date clé de l'histoire des deux pays. Il est vraiment le symbole d'une amitié pour le maintien de laquelle les deux nations ont plusieurs fois donné leur or et versé leur sang.

En 1787, les Etats-Unis se dotèrent d'une Constitution, basée sur le système fédéral, et qui est aujourd'hui la plus vieille Constitution écrite du monde.

 

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