de 1789 à 1914

De 1789 à 1830

Les combattants tant Français qu'Américains n'eurent à résoudre que des problèmes communs aux frères d'armes ; ils n'avaient pas eu à se préoccuper de politique ni de finances.

Ces deux questions allaient jouer un rôle important dans les années qui suivirent la guerre. Il suffit de dire que la question des dettes soulèvera de pénibles frictions, et que Washington, estimant que le traité avait été signé avec le Roi de France, mit quelque réserve à reconnaître la République et à accueillir son envoyé extraordinaire, le citoyen Genet.

Toutefois, à son début, la Révolution française connaît un écho très favorable aux Etats-Unis, et les victoires de l'armée révolutionnaire contre des troupes étrangères venues soutenir le roi provoquèrent des sursauts de joie outre-Atlantique. La nouvelle de la condamnation à mort de Louis XVI, artisan de l'Indépendance américaine, tempère beaucoup l'enthousiasme populaire. Pour sa part, Washington hésita : devait-il demeurer neutre ou bien reconnaître le nouveau régime et recevoir son représentant, le "citoyen" Genet, lequel n'attendit pas son agrément pour s'imposer et agir avec une telle lourdeur que son rappel fut demandé par Jefferson. Menacé de la guillotine, le "citoyen" demanda asile aux Etats-Unis, et en prit la nationalité.

John Adams

John Adams

La mission déplorable de Genet ne fut qu'une des raisons du refroidissement des rapports franco-américains, lorsqu'en 1796 John Adams succède à Washington.

Paris avait très mal pris le traité de Jay (1794) qui autorisait les Britanniques à confisquer les marchandises françaises à bord des bâtiments américains, de même que la France n'a pas apprécié le rappel à Washington de James Monroe, représentant américain très francophile à Paris.

De son côté, le gouvernement américain prit ombrage tant de l'arraisonnement par la Marine française de quelque 300 bâtiments américains qui furent bloqués dans des ports français, que du renvoi par le gouvernement de Paris du successeur de Monroe. Les choses se détériorèrent au point que les fédéralistes (l'opposition) demandèrent l'ouverture des hostilités contre notre pays. Le gouvernement "républicain" du Président Adams ne cessa de s'y refuser bien qu'en fait, de 1798 à 1800, une guerre navale non déclarée eut lieu entre les Etats-Unis et la France : 80 navires français furent capturés par des corsaires américains. Les Etats-Unis envoyèrent à Paris une première mission qui échoua, mais une seconde aboutit, le 1er Octobre 1800, au traité de Mortfontaine qui liquidait le contentieux franco-américain et établissait entre les deux pays une paix qui n'a jamais été troublée sérieusement depuis.

C'est dans ce climat que put se dérouler l'affaire de la Louisiane. Cette magnifique province, cédée à l'Espagne au traité de Paris, avait été rétrocédée à la France en 1803 sous la pression du Président Jefferson. Mais elle fut vendue quelques mois plus tard par le Premier Consul pour 80 millions de francs aux Etats-Unis (qui n'en verseront d'ailleurs que 60).

Restait le problème des arraisonnements de bateaux américains au cours des hostilités entre Français et Américains dans l'Atlantique , Napoléon renonça à cette pratique en 1810. De son côté, Londres continua à arraisonner les navires américains, et ce fut la guerre entre l'Angleterre et les Etats-Unis, la "seconde guerre de l'Indépendance", qui dura de 1812 à 1815, et se termina par la belle victoire de la Nouvelle-Orléans (1815), gagnée par le général Jackson, aidé efficacement par le corsaire français Jean Lafitte. La tradition de l'aide française aux Etats-Unis contre l'Angleterre se maintenait.

La France respecta la doctrine établie par Monroe en 1923 qui avait été inspirée déjà par Washington en son temps, aux termes de laquelle les Etats-Unis s'opposaient à toute ingérence de l'Europe sur l'ensemble du Nouveau Continent en même temps qu'ils renonçaient eux-mêmes à toute immixtion dans les affaires européennes.

Un fait intéressant à noter de l'amitié et de la coopération franco-américaine est la participation d'officiers du génie français, ralliés à Napoléon aux Cent-Jours, et obligés de s'expatrier, à la conception et la construction des principaux forts américains pendant la première moitié du XIX siècle. En particulier, l'on peut citer deux noms : Le colonel Claudius Crozet et le général Simon Bernard.

Crozet, colonel du Génie en 1814, dut s'exiler après Waterloo et vint en Amérique. Il fut chargé en particulier d'enseigner à West Point et donna au jeune génie américain une formation à la française, suivant les méthodes de Vauban et de Cormontaigne (1). Sur le plan pratique, il fut chargé de l'amélioration des voies de communication (ponts, tunnels) et des canaux, dans tout l'est des Etats-Unis.

Simon Bernard était un ancien élève de l'Ecole Polytechnique (1794). Lieutenant du génie en 1797, il participe à presque toutes les guerres du Consulat et de l'Empire. Remarqué par Napoléon à Anvers et à Raguse, il fut promu général de brigade en Mai 1814. Rallié à Napoléon en Mars 1815, il combattit à Waterloo. Louis XVIII lui permit de s'exiler aux Etats-Unis, où il arriva à Washington en 1816.

Reçu par le Président Madison qui le confirma dans le grade de brigadier-général de l'Armée des Etats-Unis, il fut chargé de construire un système de défenses côtières : forts, routes et canaux.

Tout le système de forts s'étendant depuis le Maine jusqu'en Louisiane fut conçu et construit sous la direction du Bureau ayant à sa tête le général Bernard. Mais la pièce maîtresse de son œuvre est le fort construit à l'extrême pointe de la péninsule virginienne, le Fort-Monroe, appelé "le Gibraltar de la Baie de Chesapeake".

Il revint en France sous Louis-Philippe en 1831, fut nommé lieutenant-général, inspecteur général du génie, et mourut en 1839. Mais son œuvre américaine devait lui survivre. En particulier le Fort-Monroe eut une importance capitale pendant la Guerre de Sécession.

En 1824, La Fayette se rendit à l'invitation qui lui avait été faite, bien avant MONROE, d'effectuer une visite aux Etats-Unis. Ce fut, pendant un an et demi, un voyage triomphal qui le conduisit dans 182 villes américaines et qui se solda par des dons somptueux en terres et en argent.

 

1850 à 1878

Cette période est dominée par la terrible "Guerre de Sécession" qui ensanglanta les Etats-Unis de 1861 à 1865 et qui devait entraîner la mort de 700 000 hommes environ, soit 2 % de la population totale (à titre de comparaison, en 1914-1918, il y eut en France 1 193 000 tués, soit 3,6 % de la population totale.).

Les causes de cette guerre furent multiples, et elles étaient déjà inscrites en filigrane dans la Déclaration d'Indépendance de Jefferson du 4 Juillet 1776, et dans la Constitution des Etats-Unis de 1787. Nous en citerons les trois principales :

  • L'intention des Etats du Nord de poursuivre la suppression plus ou moins rapidement de l'esclavage.
  • Le maintien des droits protecteurs de l'industrie nationale frappant les produits européens au moment de leur importation dans les ports du Sud, au bénéfice de l'industrie des Etats du Nord.
  • Des rivalités politiques fondées sur la crainte éprouvée par les hommes du Sud, en majorité démocrates, de voir le pouvoir fédéral confié à leurs adversaires du Nord. Longtemps ils l'avaient exercé à leur profit, mais ils sentaient ce pouvoir leur échapper , ils cherchaient en vain à le retenir, et cette prétention était prépondérante puisque ce fut l'élection de M. Lincoln, républicain (1860, qui devint le signal de l'insurrection.

Face à ce conflit intérieur américain, quelle était la position du gouvernement impérial ? Celle-ci est concrétisée par la Déclaration du 10 Juin 1861, dont nous donnons ici l'essentiel :

  • "Maintenir une stricte neutralité dans la lutte engagée entre le gouvernement de l'Union et les Etats qui prétendent former une Confédération particulières".
  • "Reconnaître le caractère de belligérants aussi bien aux Etats du Sud qu'aux Etats du Nord".
  • Interdiction faite à "tout Français, résidant en France ou à l'étranger, de s'enrôler ou de prendre du service soit dans l'armée de terre, soit à bord des bâtiments de guerre ou corsaires de l'un ou l'autre des belligérants".

Malgré cette position de "stricte neutralité", l'entourage de l'Empereur et Napoléon III lui-même éprouvaient une sympathie assez marquée pour les Confédérés, non seulement pour des raisons économiques (le coton), mais aussi pour des raisons politiques, estimant que, en cas de victoire du Sud, la France aurait les mains libres au Mexique, ce en quoi ils se trompaient lourdement.

Malgré l'interdiction impériale de prendre du service aussi bien dans l'Armée de l'Union que dans l'Armée Confédérée, de nombreux Français combattirent dans les deux camps. Si l'on prend les statistiques de 1860, 53 989 Français résidaient alors aux Etats-Unis, dont 35 819 dans le Nord, dont 12 519 dans le New-York, 18 170 dans le Sud, dont 11 522 en Louisiane, pour la très grande majorité célibataires, ou mariés avec des Américaines.

En extrapolant quelques chiffres connus, comme les effectifs du 55e Régiment du New-York, on peut estimer qu'environ 40 % combattirent dans le Nord, soit environ 14 000, et 70 % environ dans le Sud, soit environ 12 000, ce qui fait un chiffre total voisin de 26 000 combattants. On peut citer les plus célèbres :

  • Dans le Nord, le général de Trobriand qui commanda le 55e Régiment de New-York, baptisé "Gardes La Fayette", composé en grande partie de volontaires français, combattit pendant quatre ans à l'Armée du POTOMAC, et termina la guerre comme Major Général. Egalement, les Princes d'Orléans, le Comte de Paris et le Duc de Chartres, qui servirent à l'Armée du Potomac comme capitaines aides-de-camp du général Mac Clellan, et leur oncle, l'Amiral Prince de Joinville qui, à titre personnel, servit de conseiller au général Mac Clellan qui le tenait en haute estime.
  • Dans le Sud, le général Camille de Polignac, fils du ministre de Charles X qui se rendit célèbre, le 8 Avril 1864, en remportant la victoire de Mansfield en Louisiane, et qui termina la guerre comme major-général de l'Armée Confédérée qui le baptisa le "La Fayette du Sud"...

Bref, les Français qui ont pris position dans cette rude guerre, quel que soit le camp choisi, l'ont fait parce qu'ils étaient fidèles à l'amitié franco-américaine née sur les champs de bataille de Virginie et de Yorktown, quatre-vingts ans plus tôt.

Dans la crise la plus grave qu'ait connue les Etats-Unis depuis le début de leur histoire, la France a montré qu'elle n'était pas indifférente, et c'est cela l'essentiel. Onze ans après la fin du conflit, le 10 Mai 1876, la "torche de la Liberté" qui devait faire partie de la Statue de la Liberté de Bartholdi fut exposée à l'Exposition Universelle de Philadelphie.

 

1890 à 1914

 James Monroe

James Monroe

A la fin du XIX siècle, la guerre hispano-américaine tournait au désastre ; Madrid demanda les bons offices de la France pour obtenir un cessez-le-feu le 12 Août 1898.

Le 12 Décembre de la même année, les puissances concernées signaient le Traité de Paris qui consacrait Indépendance de Cuba, permettait la cession aux Etats-Unis de Porto-Rico, et autorisait l'occupation de Manille par les Américains.

Finalement, à partir de 1815 jusqu'à la Première Guerre Mondiale, si l'on met à part les engagements individuels de certains Français pendant la guerre de Sécession, les relations entre la France et les Etats-Unis ont été lointaines et de peu d'importance, pour la plus grande satisfaction de ceux des Américains qui tenaient à la doctrine de Monroe.

 

Suite : de 1914 à 1939