Jean-Gaspard Vence, corsaire, officier du Roi et amiral

Jean Gaspard de VenceQui connaît aujourd’hui Jean-Gaspard Vence, né en 1747 et mort en 1808 ? Un boulevard aux abords du mont Faron à Toulon, ainsi qu’une rue près de la gare maritime de Marseille portent son nom. Pourtant, rares sont ceux qui connaissent l’étonnante destinée de ce capitaine corsaire devenu officier du Roi pendant la guerre d’indépendance américaine, puis amiral sous Bonaparte.

Jean-Gaspard Vence est né dans une famille de marins et d’armateurs marseillais qui s’est enrichie grâce au commerce avec les Antilles.

Dès son plus jeune âge, il explique à son père son désir ardent de faire carrière dans la marine : « Je veux être marin comme Jean-Bart ou Duquesne, et vous pouvez être sûr que je me ferais tuer, ou que je monterais, comme eux, aux premières dignités de notre marine ». Son père lui permet d’embarquer à 15 ans sur un navire marchand allant de de Bayonne à Saint-Domingue où il est accueilli par son frère aîné, qui a épousé là-bas la fille d’un riche planteur. Il demande à son frère de lui trouver un emploi sur un navire corsaire, mais, trop tard, car en 1763 la guerre contre l’Angleterre est terminée. Jean-Gaspard retourne alors en France pour étudier pendant deux ans les mathématiques et l’art de la navigation, puis embarque comme élève-officier à bord du Protecteur qui fait alors partie de la flotte du Levant chargée de protéger les navires marchands en Méditerranée. À l’issue de cette formation, Vence reçoit son brevet d’officier de marine et navigue pendant les huit années suivantes sur des bâtiments de commerce entre la France et les Antilles.

En juillet 1776, après la déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique, les insurgés américains proposent à des capitaines français d’armer des navires contre l’Angleterre.

Vence est l’un d’entre eux et devient rapidement l’un des principaux capitaines corsaires opérant aux Antilles pour le compte du Congrès américain. En l’espace d’environ dix-huit mois, entre fin 1776 et le milieu de l’année 1778, il réalise 211 prises dont quarante environ donnent lieu à un combat naval.

Dès la signature en 1778 du traité d’alliance entre la France et les États-Unis marquant le début des hostilités contre l’Angleterre, il s’engage dans la Marine royale et fait preuve d’une bravoure exceptionnelle lors de la prise de l’île de la Grenade et de la bataille de Savannah.

En janvier 1780, en récompense de ses actions d’éclat, il reçoit une lettre du roi Louis XVI l’élevant à la dignité de chevalier de Saint-Louis. Officier bleu subissant la jalousie des officiers nobles, il quitte son emploi de capitaine de port à l’île de la Grenade à la fin de la guerre d’indépendance américaine. Il doit attendre la Révolution française pour réintégrer la marine militaire.

Sa première mission pour la jeune République consiste à se rendre à Tunis avec son vaisseau Le Duquesne et plusieurs frégates, afin d’escorter jusqu’à Marseille un important convoi de blé.

Il en est empêché par une flotte anglo-espagnole, nettement supérieure en nombre, qui le bloque lors de sa sortie du port de Tunis. Après de nombreuses péripéties, Vence réussit quelques mois plus tard à rentrer en France avec le convoi, après avoir échappé à la surveillance de l’ennemi. À peine arrivé, il escorte un nouveau convoi jusqu’à Toulon. Cette nouvelle mission l’oblige à affronter, avec succès, trois vaisseaux anglais.

Après ces deux faits d’armes, Vence est promu contre-amiral en 1794, puis commandant des armes du port de Toulon, où il joue un rôle décisif dans la préparation de la campagne d’Égypte.

Après le retour de Bonaparte et le coup d’État du 18 brumaire, il est le premier préfet maritime nommé à Toulon. Parmi ses nouvelles missions, Vence doit assurer le ravitaillement des troupes françaises, présentes dans de nombreux ports de la Méditerranée. Compte tenu alors de la nette supériorité des forces navales britanniques, il assiste, impuissant, à l’isolement progressif, puis à la capitulation des Français à Malte, puis en Égypte.

Gaspard Vence avec le vaisseau le Duquesne

Trois ans plus tard, lorsque Bonaparte projette d’envahir l’Angleterre, il émet des critiques sur les bateaux à fond plat destinés au transport des troupes françaises et doit prématurément quitter la marine à l’âge de 56 ans. L’Histoire lui rendra raison puisqu’environ deux ans plus tard en août 1805, Bonaparte, devenu empereur, renoncera définitivement à son projet de débarquement sur les côtes britanniques.

Jean-Gaspard Vence a participé à certaines des plus grandes heures de gloire de la marine sous Louis XVI, comme à ses heures les plus sombres sous la Révolution. Son sens aigu de l’honneur et de l’intérêt supérieur de la patrie a guidé sa conduite à chaque moment important de son existence. Oublié par l’Histoire, il mérite aujourd’hui de retrouver sa place parmi les héros de la marine française.

 

Stéphane Meffre

Jean-Gaspard Vence. Corsaire, officier du Roi et amiral de Stéphane Meffre
Auteur du livre Jean-Gaspard Vence. Corsaire, officier du Roi et amiral.