de 1939 à 1945
La deuxième guerre mondiale
L'invasion de la Pologne par les Allemands le 1er Septembre 1939 entraîne enfin une réaction : la France et l'Angleterre déclarent la guerre à l'Allemagne le 3 septembre. Ces événements n'ébranlent guère l'isolationnisme américain. Tout au plus le Congrès lève-t-il l'embargo sur les armes.
Mais la France ne reçoit pas les avions américains qu'elle attendait. La défaite de la France en 1940 consterne les Etats-Unis qui se sentent soudain menacés. L'effacement de notre pays leur pose bien des questions, et notamment celle de savoir qui est la France maintenant : la France du Maréchal Pétain ou celle du général de Gaulle ?
La félonie britannique de Mers-el-Kébir (3 juillet 1940) navre les Américains. Comme l'écrit Robert Murphy, chargé d'affaires des Etats-Unis à Vichy, puis consul général à Alger : "Ce fut peut-être l'erreur anglaise la plus funeste de la guerre, car elle mina simultanément l'influence des modérés pro-Anglais à Vichy, et celle de de Gaulle à Londres..." (Robert MURPHY "un diplomate parmi les Guerriers").
Washington entretient un ambassadeur à Vichy, l'Amiral Leahy, et, tout en facilitant le ravitaillement de la France bloqué par les Anglais, s'efforce en vain de décourager les concessions du gouvernement de Vichy à l'Allemagne, et lorsque Laval revient au pouvoir en 1942, Washington rappelle son ambassadeur.
C'est alors que les Etats-Unis, avec le consentement du Premier Ministre Britannique, vont prendre, peu à peu, la relève de l'hégémonie de la Grande-Bretagne sur la France, si importante et souvent si désastreuse, pendant l'entre-deux-guerres. Quatre hommes vont être les agents de cette nouvelle hégémonie sur la France : Roosevelt, Marshall, Eisenhower et Murphy.
Roosevelt, Président depuis 1932, et réélu en 1936, avait dû mener, sur le plan intérieur, un rude combat pour le redressement économique et social, après la grave crise de 1929. Sur le plan extérieur sa conviction était faite : l'Allemagne était un danger militaire pour la paix mondiale. Il fallait surtout éradiquer l'idéologie nazie. Cependant Roosevelt doit compter avec l'opinion et le Congrès, hostiles à tout engagement susceptible d'entraîner les U.S.A. dans une guerre européenne.
Après l'effondrement de la France et de ses Alliés (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) en juin 1940, et la mise en place du gouvernement de Vichy, Roosevelt est pris dans l'engrenage d'une intervention menaçante dans les affaires françaises, mais d'un autre côté le Président reconnaît la légitimité constitutionnelle du gouvernement Pétain.
Comment aussi les Etats-Unis ne seraient-ils pas tentés d'occuper "la chaise vide" laissée par les Britanniques depuis la rupture de leurs relations diplomatiques avec la France, au lendemain de Mers-El-Kébir ?
Les diplomates et consuls américains restés en France, à l'époque où le Maréchal Pétain est âgé et influençable, et où le général de Gaulle n'est suivi que par une minorité, sont ouverts à "une troisième voie" (Claude PAILLAT: "La France dans la Guerre américaine", R. LAFFONT, 1989), celle-là même qui a la faveur de Roosevelt. Ainsi le Président ne refuse pas d'apporter sa caution et sa protection à de hauts fonctionnaires de Vichy - comme le gouverneur de l'A.O.F. Pierre Boisson - qui rendent "d'éminents services" à la cause alliée. D'où la fureur de Washington quand de Gaulle n'hésitera pas à le faire arrêter et emprisonner en 1943 (Il sera traduit en Haute-Cour en 1945).
Vis-à-vis de de Gaulle, Roosevelt ne va pas tarder à faire preuve d'une antipathie de plus en plus marquée, ne tenant pas compte de l'effort de guerre des Forces Françaises Libres. Il le considérait comme "un ambitieux isolé, à la fois irréaliste et dépourvu de tout caractère représentatif" (Cl. PAILLAT, op.cité).
De Gaulle éliminé dans l'esprit de Roosevelt, Washington recherche un général français susceptible de remettre la France dans la guerre. Dans ce but, l'Amiral Leahy prend contact avec le général de La Laurencie, "le flatte, le tente, et veut en faire un concurrent de de Gaulle comme chef de résistance" (Cl. PAILLAT, op.cité).
Ces pourparlers prirent fin par l'arrestation de La Laurencie par la police de Vichy.
Robert Murphy, homme de confiance du Président, consul en poste à l'ambassade des Etats-Unis à Paris, puis à Vichy, est nommé consul général à Alger (décembre 1940), et représentant personnel du Président Roosevelt. Or, à Alger, règne le général Weygand, délégué général pour toute l'Afrique française. Roosevelt a fondé une partie de ses espoirs sur ce valeureux soldat, voyant "en Afrique du Nord les plus grands espoirs de relancer les troupes françaises dans la guerre contre l'Allemagne nazie" (Cl. PAILLAT, op.cité).
Le 10 mars 1941 est signé à Vichy ce qu'on a appelé "l'accord Murphy-Weygand". L'Afrique du Nord recevra une aide américaine, limitée à l'essentiel. Murphy profite de son poste pour quadriller l'Afrique par une équipe de vice-consuls et de consuls américains installés de Casablanca à Tunis.
Mais Weygand, sur la pression allemande, est limogé le 18 novembre 1941 et assigné à résidence en Provence.
C'est alors que le 12 février 1942, Leahy transmet à Weygand une proposition de Roosevelt de retourner à Alger et "d'y prendre le commandement avec l'appui militaire et économique des Etats-Unis".
Weygand rejeta très courtoisement l'offre de Roosevelt, expliquant qu'il n'était "qu'un citoyen banal et totalement dévoué au Maréchal".
Roosevelt, après ces deux échecs, La Laurencie et Weygand, ne se décourage pas, et Murphy continue son travail de taupe.
Marshall, "l'organisateur de la Victoire", est depuis le 1er septembre 1939, chef d'état-major de l'armée de terre des Etats-Unis.
Ancien combattant de 1917-1918, le colonel Marshall est chef d'état-major du 1er Corps d'Armée et participe à ce titre à la bataille de Saint-Mihiel. Puis il passe à l'état-major de Pershing, rencontre souvent le Maréchal Pétin, pour lequel il éprouve une grande admiration.
Tout en déplorant les agissements de Vichy, il sera toujours convaincu que "le vieux maréchal n'a jamais cessé à Vichy de penser avant tout au salut de son pays".
C'est la raison pour laquelle il conservera la même attitude que celle de son Président vis-à-vis de de Gaulle (pour la modifier ainsi que beaucoup d'autres à la libération de la France).
Churchill ayant demandé une conférence avec Roosevelt pour déterminer une stratégie anglo-américaine commune, cette conférence se déroula dans la semaine de Noël 1941 à la Maison-Blanche. Au cours du déjeuner de Noël entre diplomates et militaires anglais et américains arrive la nouvelle de la prise de Saint-Pierre et Miquelon par les Gaullistes, ce qui provoque la fureur du Département d'Etat contre de Gaulle.
Churchill désire obtenir des renforts pour l'Afrique pour éliminer l'Afrika Korps. Marshall refuse. L'objectif pour les Américains, c'est un débarquement en France.
D'autre part, s'appuyant sur les échecs britanniques en Afrique et en Crète, Marshall insiste pour la création d'un comité militaire unique. Après bien des réticences, Churchill finit par accepter. Marshall a gagné.
Mac-Arthur est nommé à la tête du théâtre du Pacifique, Eisenhower à celui du haut commandement allié en Europe. Désormais la Grande-Bretagne passe au second plan.
Eisenhower : en janvier 1942, Eisenhower, contrairement à Mac-Arthur ou à Marshall, n'est qu'un général inconnu. Il n'est d'ailleurs promu au grade de major-général qu'à cette date. Contrairement à Mac-Arthur, Marshall et Patton, il ne participe pas à la guerre en 1917-1918. Il n'est que capitaine en 1919, mais en 1933, il est adjoint de Mac-Arthur, et l'accompagne aux Philippines (1936-1939)
Colonel en 1941, il est appelé après Pearl Harbor à Washington par Marshall qui l'envoie le 8 Juin 1942 "faire le point à Londres", en réalité prendre la tête du "second front".
Les acteurs étant en place, il s'agit maintenant, pour les Américains, après La Laurencie, après Weygand, de trouver le troisième homme.
L'évasion spectaculaire du général Henri Giraud en avril 1942 leur en fournit l'occasion.
De Gaulle, ancien subordonné de Giraud à Metz, ordonne au B.C.R.A. (B.C.R.A. - Bureau Central de Renseignements et d'Action - Services spéciaux des FFL) de contacter le général et de le faire venir à Londres. Giraud répond : "De Gaulle, je le mettrai à ma botte".
Roosevelt s'enthousiasme à la lecture de l'évasion du général. Or celui-ci entre tout à fait dans les vues américaines en constituant une troisième force entre le gaullisme et le pétainisme.
Giraud conçoit d'abord un plan irréaliste basé sur un soulèvement général des pays occupés par le III Reich, au travers des différents mouvements de résistance.
Mais il rencontre successivement Lemaigre-Dubreuil, Rigault, le général Mast (ancien co-détenu de Giraud). Ce dernier prend contact avec Murphy, lui garantissant que "Giraud était le chef qualifié pour prendre le commandement en Afrique".
Giraud trouve un autre thuriféraire dans le général de Monsabert.
Dans l'opération "Torch" qui se prépare, soit le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, le "complot français" avec le général Giraud, dont Murphy est le vrai chef d'orchestre, prend un intérêt grandissant, d'autant plus que l'amiral Leahy a informé Washington que le Maréchal ne quittera pas Vichy et fera ouvrir le feu sur tout agresseur, fût-il américain.
Quant à de Gaulle, les Américains refusent qu'il soit mis dans le secret de "Torch".
De Gaulle éliminé, Giraud en principe adopté, mais sans aucune responsabilité dans les opérations de débarquement, un troisième personnage se dessine : l'amiral Darlan.
L'amiral Darlan, en juillet 1941, avait lancé à Leahy que, si ses compatriotes débarquaient en Afrique du Nord, il voudrait bien envisager de passer du côté des Etats-Unis.
Au retour de Laval en avril 1942, Darlan fera de nouveaux "pas" en direction des Américains silencieux. Mais Darlan ne sera pas informé de l'opération "Torch". Il n'y a pas eu d'accord Etats-Unis-Darlan, au contraire de celui qui, même imprécis et flou, existait avec Giraud (contrairement à ce que lui avait promis MURPHY).
Mais trois jours avant le déclenchement de "Torch", le 5 novembre 1942, l'amiral Darlan arrive à Alger, au chevet de son fils mourant.
Le 7 novembre 1942, Giraud arrive à Gibraltar en sous-marin. Après ces discussions ardues avec Eisenhower, Giraud accepte le commandement des forces françaises en Afrique du Nord et de gouverneur de la région.
Dans ce cadre, l'opération "Torch" se déroule dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942 à Casablanca, Oran et Alger. Les troupes françaises (y compris la marine), appliquant les ordres, résistent.
A Casablanca, malgré Béthouart, des combats meurtriers se déroulent, affectant surtout la Marine.
A Oran, si les Américains débarquent sans coup férir à Arzew, en revanche de sérieux combats ont lieu entre les unités des deux Marines.
A Alger, où un complot français favorable au débarquement était en place, les troupes américaines débarquent dans trois secteurs : mais si cela se passe bien à Sidi-Ferruch, dans les autres secteurs, il y a bataille (Dans l'ensemble de l'Afrique du Nord, il y eut quand même 700 tués et 20 navires coulés du côté anglo-américain. Les pertes françaises se montèrent à 1 300, et celles en navires sensiblement plus lourdes.).
Darlan qui, le 10 novembre 1942, a pris l'autorité en Afrique du Nord "au nom du Maréchal" donne l'ordre enfin à toutes les forces armées de cesser le combat contre les forces américaines, et de s'allier avec elles contre l'Axe.
La France (Soit les troupes de l'Armée d'Afrique et un Corps d'Armée des Forces Françaises Libres.) est ainsi remise massivement dans la guerre.
Le pouvoir de l'Amiral sera bref. Il sera assassiné le 24 décembre 1942, laissant ainsi l'autorité suprême au général Giraud.
Mais la guerre est là, les Allemands ont envahi la Tunisie. Giraudcrée le corps franc d'Afrique où va s'illustrer Monsabert, ainsi que le bataillon Bizerte (fusiliers marins) et les tabors marocains. Ces unités attaquant à l'Ouest tandis que la 1re DFL et la force L du général Leclerc agissent à l'Est et au Sud-est, la France, dans le cadre allié, participe à la libération de la Tunisie qui est achevée le 20 mai 1943.
Les accords d'ANFA conclus en janvier 1943 entre les Américains et Giraud prévoient la constitution d'une armée de trois divisions blindées et de huit divisions d'infanterie motorisée, entièrement équipées de matériel américain, et la modernisation aux Etats-Unis de la Marine Française (2/5 de la Marine de 1939). Ces unités vont combattre brillamment aux côtés des Américains et des Britanniques en Italie, sous les ordres de Juin, puis en France et en Allemagne, sous les ordres de de Lattre et de Leclerc.
Sur le plan politique, de Gaulle a réussi à éliminer Giraud en 1944. Malgré cela, Roosevelt mena une action systématique contre le Chef de la France libre et fit tout pour l'empêcher de jouer un rôle politique. Il a notamment cherché à lui opposer Jean Monnet. Il interdit aux Grandes Puissances de reconnaître "le Comité Français d'Alger" en qualité de gouvernement provisoire de la France.
Lors du débarquement sur le sol français, le 6 juin 1944, il voulait que notre territoire, comme celui de l'Italie, fut occupé et gouverné par l'armée américaine via l'A.M.G.O.T. (American Government In Occupied Territories) qui avait déjà frappé la monnaie d'occupation. Les Américains n'envisageaient cette solution qu'au cas où les Français n'auraient pu mettre en place un gouvernement même provisoire.
Il fallut le triomphe réservé par la population à de Gaulle lors de la libération de Paris (25 août 1944) pour que Roosevelt admette l'évidence.
De Gaulle replace la France au nombre des Grandes Puissances grâce à l'aide des Britanniques, mais aussi des Américains. Son gouvernement provisoire installé à Paris est reconnu par les trois grands Alliés le 23 Octobre 1944. Le 11 Novembre, la France est admise à la "Commission Consultative Européenne" qui doit régler le sort de l'Allemagne. Churchill et Roosevelt convainquent Staline d'admettre notre pays parmi les puissances occupantes d'Allemagne.
Ceci dit, la France ne fut pas conviée à la Conférence de Yalta à laquelle, du 4 au 11 février 1945, Roosevelt, Churchill et Staline prirent de graves décisions concernant l'avenir de l'Allemagne et celui des pays d'Europe orientale occupés par l'U.R.S.S.
De Gaulle , offensé d'en avoir été exclu, refusa de se rendre à une convocation de Roosevelt à Alger, sur le sol français. De son côté, Roosevelt se méfiait de la France qui comptait alors environ 20 % d'électeurs communistes. D'ailleurs, en raison de la participation de communistes à son gouvernement provisoire, de Gaulle décida de ne pas prendre parti dans la querelle qui grandissait entre les Etats-Unis et l'U.R.S.S. et s'efforça de pratiquer une politique de balance, dont le traité franco-soviétique de décembre 1944 constituait un élément important.
Les Américains avaient pu se rendre compte de la valeur de la nouvelle Armée Française. Aussi autorisèrent-ils le Chef de la 1re Armée Française, le général de Lattre de Tassigny, à signer à Berlin le 9 mai 1945 l'acte de capitulation des Armées Allemandes, aux côtés des généraux alliés.