Légion de Lauzun
- Détails
- Écrit par Jacques de Trentinian
Les Cincinnati de France ont apporté à la Société générale un complément au beau cadeau des dix-huit drapeaux aux couleurs de l’époque qui lui avaient été solennellement remis à Versailles en 2001: il y manquait, en effet, un emblème pour la légion de Lauzun.
Historique
Directement issue, début 1780, des Volontaires étrangers de la Marine créés en 1778 pour la guerre d’Amérique, la légion des Volontaires Étrangers de Lauzun a vécu l’exacte durée de sa participation à “l’Expédition particulière” confiée au comte de Rochambeau. Elle a assuré principalement les missions de flanc-garde et de liaison de cette armée et s’est notamment illustrée aux White Plains et surtout en refoulant la cavalerie de Tarleton à l’intérieur du fort de Gloucester lors du siège d’Yorktown. Cette action, chronologiquement la première du siège, valut à son chef d’être désigné par Rochambeau pour apporter au Roi la nouvelle de la victoire. Dernière unité française présente en Amérique, la Légion a quitté la Delaware River en mai 1783 et a été dissoute peu après son retour, donnant naissance aux Hussards de Lauzun. Soixante-neuf hommes dont deux officiers avaient perdu la vie sur le sol américain. Quatre officiers parmi les blessés.
Quel drapeau ?
L’ordonnance créant la Légion avait prévu, dans son état-major, un porte-drapeau et un porte-étendard. Nous connaissons leur nom, mais les étoffes des emblèmes ne sont pas connues. Il faut dire que leur composition posait des questions délicates de symbolique : il s’agissait d’une unité mixte, infanterie et cavalerie, de surcroît rattachée à la marine et non au ministère de la guerre. Pour l’évoquer visuellement, le plus sage était donc, après consultation des autorités compétentes en la matière et jusqu’à la découverte improbable de documents nouveaux, de s’en tenir aux étoffes connues d’unités parente de la Légion. La commission d’histoire ayant écarté l’hérésie qui aurait consisté à avoir un étendard mixte infanterie- cavalerie, deux étoffes séparées ont été conçues pour Anderson House. Chacune comporte un revers non décoré pour signifier qu’elles n’ont pas été authentifiées comme ayant accompagné ladite légion pendant la guerre d’Amérique.
- Pour l’infanterie de la Légion : avers du drapeau de la « Légion royale », 1745-1776, (ex « Volontaires royaux ») dont le duc de Lauzun avait été le dernier colonel et dont étaient issus la plupart des chefs d’unité et d’autres volontaires de la légion qu’il a conduite en Amérique. Azur à croix blanche, avec trois fleurs de lys or dans chaque quartier.
- Pour la cavalerie de la Légion : avers du guidon des hussards de Lauzun, eux-mêmes directement issus de la Légion du même nom après sa dissolution en octobre 1783. Écartelé or et de gueules ; en support deux griffons or ; devise : “perit sed in armis”.
Ces emblèmes ont donc rejoint les drapeaux remis dans la Galerie des Glaces lors de la “Triennale 2001”, et maintenant présentés dans les salons d’Anderson House.
Mais qui était Lauzun ?
Le dictionnaire du Colonel Gilbert Bodinier, décrit dans un autre article du présent bulletin, résume ainsi la vie de ce brillant personnage :
Gontaut-Biron duc de Lauzun, puis duc de Biron (Louis Armand de). Maison de Guyenne et du Périgord qui remonte sa filiation à 1147 et qui eut douze fois les honneurs de la cour. Fils de Charles Antoine (1708-1800), lieutenant général, qui épousa en 1744 Antoinette Eustache de Croisac du Châtel. Petit-fils de Charles Armand (1663-1756), lieutenant général, et de Marie Antoinette de Bautru de Nogent. II épousa le 4 février 1766 Amélie de Boufflers, née le 5 mai 1751, guillotinée le 27 juin 1794 (fille de Charles Joseph et de Marie Anne Philippine de Montmorency). II vivait séparé de sa femme, n'eut pas d'enfants – légitimes du moins.
Né à Paris le 13 avril 1747. Enseigne au régiment des Gardes françaises le 18 janvier 1761, sous-lieutenant le 18 octobre suivant, lieutenant le 19 février 1764, capitaine commandant le 11 octobre 1767 avec un brevet de colonel le même jour. II se rendit en Corse sans ordre ni autorisation, et s'y distingua. Colonel de la légion royale le 27 février 1774, mestre de camp lieutenant de Royal-Dragons le 26 juillet 1776. Colonel propriétaire du corps des volontaires étrangers de la Marine le 1er septembre 1778. II s'empara du Sénégal en 1779 avec un détachement provenant [dont quelques officiers provenaient] de ces troupes. Brigadier le 1er mars 1780. II passa en Amérique avec le corps de Rochambeau comme colonel propriétaire de la légion de son nom, tirée du corps des volontaires étrangers. Rentré en France après le siège de Yorktown, il revint aux Etats-Unis en septembre 1782. Maréchal de camp le 13 juin 1783 et colonel propriétaire du régiment des hussards de Lauzun issu de sa légion. Commandant d'une brigade de cavalerie le 1er avril 1788.
Il devint l'agent et le confident du duc d'Orléans. Son éloignement puis son hostilité à l'égard de la Cour seraient la conséquence de l'influence qu'exerça sur lui Madame de Coigny, ainsi que la nomination du duc de Châtelet, sur la pression de la reine, au régiment des Gardes françaises, alors que Lauzun espérait obtenir ce commandement à la mort de son oncle, le maréchal de Biron. Député de la noblesse du Quercy aux États Généraux, il siégea à gauche. Il fit partie du club constitutionnel et du club de Valois. Il se distingua dans la nuit du 4 août avec ceux qui firent l'abandon de leurs privilèges. En janvier 1792 il accompagna à Londres Talleyrand qui était chargé d'acheter des chevaux. Il y connut des ennuis à cause d'anciennes dettes ou de faux billets à son nom. Lieutenant général le 13 janvier 1792. Il servit à l'armée du Nord sous Rochambeau et échoua à Quiévrain. Commandant en chef de l'armée du Rhin le 9 juillet, de l'armée d'Italie le 9 décembre ; de l'armée des Côtes de La Rochelle le 8 avril 1793. Il s'y heurta aux représentants en mission, voulut démissionner, fut convoqué à Paris puis destitué le 11 juillet 1793. Arrêté, emprisonné, étant accusé d'inertie dans son commandement pendant la guerre de Vendée, d'être un ci-devant, d'avoir persécuté les patriotes, de s'être entouré d'Allemands, d'avoir participé à une conspiration contre la sûreté intérieure et extérieure de la République. Ces accusations ne reposaient sur aucun fondement, il fut condamné à mort le 30 décembre 1793 et guillotiné le lendemain. Il était franc-maçon.
Chateaubriand, qui le vit au camp de Paramé le décrit ainsi : « Je vis passer en habit de hussard, au grand galop sur un barbe, un de ces hommes en qui finissait un monde, le duc de Lauzun ». Selon le vicomte de Rochambeau, il était « l'homme de France le plus aimable, le plus spirituel, le plus généreux, le plus loyal, quelquefois le plus sage, souvent le plus fou, le philosophe le plus gai (...) il n'eut jamais assez de force de caractère pour réussir », Le cabinet historique, 1867, p. 66. D'après son biographe, Gaston Maugras, « plus qu'aucun autre, le duc de Lauzun a été la personnification la plus complète, la plus brillante de la fin du dix-huitième siècle, il en a possédé tous les défauts, mais aussi tous les charmes, les séductions, les idées nobles et généreuses », p. 15.
N.D.L.R. : Donatien Marie Joseph de Vimeur, vicomte de Rochambeau : fils du Maréchal. Il fut aide-major général des logis à l’armée de son père. Il a laissé un Journal et des Notes concernant les généraux et les hommes politiques de la Révolution, publiées par le Cabinet historique (op. cit.).