Charles Carroll de Carrollton
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- Écrit par Charles-Philippe de VERGENNES
Il était, dit son biographe Lewis A. Léonard, «l’homme le plus riche qui signa la Déclaration d’Indépendance, le premier à la signer, le seul catholique à la signer et le dernier à mourir de tous ceux qui la signèrent».
Né le 19 septembre 1737 à Annapolis (Maryland), fils de Charles Caroll d’Annapolis (1702-1781), son grand-père, connu sous le nom de Charles Caroll le Colon (1661-1720), était un Irlandais qui émigra pour fuir les discriminations religieuses. Arrivé en 1689 à St Mary’s City, plus ancienne colonie nord-américaine créée dans le but de constituer un refuge pour les confessions chrétiennes, catholique et protestante, il y établit l’une des familles les plus influentes dans la vie politique américaine.
Envoyé en France en 1748 chez les Jésuites, Charles Carroll va passer six ans au Collège de Saint Omer, une année à Reims, deux ans à Louis-le-Grand à Paris et enfin une année à Bourges pour y étudier le droit. En 1759, il entre au London’s Middle Temple, collège de formation des avocats depuis 1608, avant de retourner en 1765 à Annapolis.
En tant que catholique, il reste soumis tant à l’Act of Uniformity de 1662, voté sous le règne de Charles II, qui exige de tous la pratique des rites et des cérémonies prévues par l’Église d’Angleterre, qu’aux Tests Acts de 1673 et 1678, qui instaurent l’interdiction de divers droits civiques pour les catholiques et autres dissidents religieux, dits non-conformistes. On comprend mieux pourquoi Charles va rapidement s’engager dans le mouvement de contestation de la présence anglaise dans les colonies américaines et devenir un talentueux porte-parole de la cause catholique. Écrivant dans The Maryland Gazette sous le pseudonyme « Le Premier Citoyen », il s’oppose dans une série d’articles au Gouverneur qui a augmenté les émoluments dus aux représentants des pouvoirs publics et au clergé protestant. Partisan de l’Indépendance du Maryland, il se fait le défenseur des droits des colonies à définir leurs propres taxes, alors que dans le même temps et en vertu des lois discriminatoires précitées, il lui est interdit de voter, de participer à la politique et de pratiquer le droit ! Membre de la Convention d’Annapolis, il est envoyé en janvier 1776 par le Congrès continental, au Canada avec Benjamin Franklin, Samuel Chase et son cousin jésuite John Carroll, futur premier évêque catholique des États-Unis, pour y obtenir l’aide des Canadiens dans la lutte pour l’indépendance. Mais cette mission intervient trop tard, les troupes américaines chargées d’envahir le Canada et d’atteindre Québec étant mises en échec dès décembre 1775 pour finalement battre en retraite en mai 1776. Charles Carroll revient donc en Maryland. Le 4 juillet, il rejoint le Congrès continental et y signe la Déclaration d’Indépendance le 2 août. Membre du Bureau de la Guerre, il y siégera jusqu’en 1778. Il participe alors à l’élaboration d’une constitution et à la formation d’un gouvernement d’État et est élu au Sénat du Maryland en 1781. En 1792, le Maryland ayant voté une loi interdisant de servir simultanément la législature d’un État et celle du Pays, il préfère le premier et quitte le second le 30 novembre.
En 1801, Carroll se retire de la vie publique tout en continuant à suivre la politique du pays : il s’oppose notamment à la guerre de 1812. En 1827, il sort de sa retraite pour aider à la création du Baltimore and Ohio Railroad et sa dernière apparition publique se déroule le 4 juillet 1828 lorsqu’il pose la première pierre du chemin de fer. En mai 1832, invité à participer à la première Convention Démocrate, il décline la proposition en raison de son état de santé. Il meurt le 14 novembre 1832 à Baltimore à l’âge de 95 ans.
Le premier Amendement de la Constitution voté en 1791 qui garantit la liberté religieuse, a été écrit par ses pairs, aussi reconnaissants envers son soutien actif à la Révolution que conscients de l’injustice que représentait la privation de ses droits en tant que catholique. Ainsi Charles Carroll, écrivant en 1827 à un ministre protestant, le rappelait-il en ces termes : « J’adhérai avec zèle à la révolution pour obtenir la liberté religieuse aussi bien que la liberté civile, et remarquant que la religion chrétienne est divisée en sectes, j’espérai que nul ne dominerait au point de devenir religion d’État ».
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