Les révolutions de France et d’Amérique La violence et la sagesse par Georges Gusdorf
Agrégé-répétiteur à l’Ecole normale, docteur ès lettres, professeur à la faculté des Lettres de Strasbourg (1948-1976), Georges Gusdorf (1912-2000), auteur, entre autres, de Dieu, la nature, l’homme au siècle des Lumières, La conscience révolutionnaire: les idéologues se livre ici, à partir d’une histoire « jumelée » des deux révolutions, à leur mise en perspective et à l’interprétation qui en est faite a posteriori. Il veut démontrer que comparaison n’est pas raison et qu’en tout état de cause, persévérer dans cette voie ne peut qu’aboutir à de lourds contresens historiques. Si ces deux « révolutions » ont été en effet chacune à l’origine de profonds bouleversements, cela ne signifie pas qu’il existe ipso facto une symétrie entre celle d’Amérique (avec son aboutissement : la constitution fédérale de 1787) et celle de France (qui débute deux ans plus tard par la prise de la Bastille en 1789).
S’attachant ainsi aux fondements religieux de la démocratie américaine, il souligne que c’est dans le cadre d’un système de religion civique (ou de civisme religieux) que se développe la fermentation des esprits aux origines de l’indépendance américaine : religion et liberté pouvant faire cause commune en tant qu’éléments fondamentaux du pacte social, alors qu’à rebours la France va voir Eglise et Etat devenir au fil de l’Histoire des adversaires naturels ou présentés comme tels. Au final, il ne restera plus alors que le choix entre la fidélité à l’Eglise et le civisme républicain… Et à l’absolutisme royal succèdera celui de la guillotine. De même, la révolution américaine est d’abord un conflit anglo-américain, la révolution française un conflit franco-français. Ainsi Burke défenseur de la cause des Insurgents, sera dès novembre 1790 l’adversaire le plus résolu des révolutionnaires de Paris. Revenant par ailleurs sur le terme de révolution américaine, George Gusdorf s’interroge : est-ce vraiment une révolution? En fait plutôt une rupture exemplaire du lien de dépendance coloniale, premier cas de ce qu’on a nommé beaucoup plus tard « décolonisation ». Il rappelle à ce sujet que dans son usage moderne le terme de révolution évoque une guerre civile, marquée par des convulsions violentes, aboutissant à un remembrement notable des rapports sociaux, et en particulier du régime de la propriété et de la production économique. En définitive, ni dans le fond, ni dans la forme, un quelconque parallélisme ne peut être établi et donc retenu. Ainsi par exemple, aucune comparaison n’est possible entre The Federalist - recueil des 85 textes en faveur de l’adoption de la constitution de 1787- classique du droit constitutionnel, et les collections du Père Duchêne ou de l’Ami du Peuple à mettre pour l’auteur, au musée des horreurs de la rhétorique ou de la rhétorique des horreurs. Cet ouvrage, par la richesse de son contenu, l’originalité des idées avancées, même si le lecteur est en droit de ne pas partager toutes les analyses et conclusions de leur auteur, est à lire absolument.
Et pour conclure, redonnons la parole à Georges Gusdorf : « La réussite des fondateurs des Etats-Unis tient sans doute au fait que leur intention était de créer une démocratie du possible et non cette démocratie de l’impossible qui ne sera jamais qu’une impossible démocratie. »
Un volume 14 x 22,5 cm 256 pages. Nombreuses illustrations.
Librairie Académique Perrin Collection Passé simple. Paris 1988
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