« La Fayette, we are here »
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- Écrit par Charles-Philippe de Vergennes
Source : Cin Echo n° 6
« La Fayette, we are here » selon la célèbre expression prêtée à tort au général Pershing puisqu’elle fut prononcée par l’un des officiers de son état-major, le lieutenant-colonel Charles E. Stanton, sur la tombe du général marquis de La Fayette le 4 juillet 1917, moins de trois mois après l’entrée en guerre des États-Unis d’Amérique le 6 avril et l’arrivée de 177 Américains, dont le général Pershing à Boulogne sur mer le 13 juin suivant.
La paix revenue, Hugh C. Wallace, qui fut ambassadeur des États-Unis d’Amérique en France du 22 avril 1919 au 5 juillet 1921, prononce le 4 juillet 1919 un discours qui nous a paru, en ce 250e anniversaire de la naissance du Héros des Deux Mondes et ce 90e anniversaire de l’intervention américaine aux côtés des Alliés, assez représentatif d’une certaine perception de l’engagement réciproque des deux nations.
Le nouvel Evangile
(sur la tombe de La Fayette, 4 juillet)
Je viens aujourd’hui, ici où tant d’Américains sont venus avant moi, déposer dans un esprit de respect et de dévouement une couronne sur la tombe de La Fayette. Le geste même est simple mais rien ne saurait rendre plus parfaitement le sentiment de l’Amérique. C’est comme si mon pays étendait la main au-delà des mers et déposait un emblème d’affection sur l’autel de notre meilleur ami. Il est vraiment bienséant que nous venions en France et fassions un pèlerinage sur le lieu où repose La Fayette.
De tous les grands Français, c’est lui qui nous est le mieux connu – mieux connu à vrai dire en Amérique qu’en France. Pour vous, ce n’est qu’un de vos héros – pour nous, c’est le chevalier à l’armure resplendissante qui en une heure sombre est venu porter secours à notre cause. L’enfant qui naît parmi nous apprend à lier ce nom à celui de Washington; devenu homme il continue à révérer le héros de sa jeunesse. Quand nos armées traversèrent l’Océan pour défendre la liberté que la France elle-même avait conquise, elles ne cherchaient qu’à payer une dette sacrée. Cependant cette dette subsiste toujours – une charge portée avec joie et un lien puissant unissant à jamais deux grands peuples.
Ceux qui jouissent des bienfaits de la liberté les méritent mieux lorsqu’ils les partagent avec leurs frères, car ce qu’ils donnent revient à eux pour augmenter un fonds commun. En saluant à cette heure un monde rendu à la paix, nous constatons que la pierre de voûte de cette liberté que vient d’acquérir l’Europe est l’exemple d’antan donné par l’Amérique. C’est le nouvel Évangile ; et de même que La Fayette le vit alors, nous l’élevons à présent là où l’humanité entière pourra le contempler.
The new Evangel
(at La Fayette’s tomb, July 4th)
I stand here today where so many Americans have stood before me, and in reverence and devotion place a wreath upon the grave of La Fayette. The act itself is simple, but I could do nothing more perfectly representative of American sentiments. It is as if my country strechted her hand across the sea and set a loving tribute before the shrine of our best friend. It is most fit that we should come to France and seek out the resting place of La Fayette.
Of all great Frenchmen he is the best known to us – better known in America indeed than in France. He is but one of your heroes; to us he is the knight in shining armor who came in the hour of darkness to help us in our need. No child is born among us but learns to link his name with Washington’s; and in manhood he reveres the hero of his youth. When our armies came across the ocean to defend the liberty that France herself had won, they but sought to repay a sacred debt. Yet the debt remains; a joyful burden and a bond of union for all time between two great peoples.
Those who are blessed with liberty best deserve it when they share it with their brothers, for what they give returns again to increase a common store. As now we greet a world at peace, we note that the corner-stone of the freedom wich has come to Europe is the example wich was set in America long years ago. It is the new evangel, and as La Fayette beheld it then so now we raise it where all mankind may see.
Les discours de Hugh C. Wallace, ambassadeur des États-Unis d’Amérique en France 1919-1921, réunis avec un Avant-propos par Warrington
Dawson, édition bilingue, 196 pages, Paris Librairie Plon, (s.d.)