A gallant rescue, Boston, 1789
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- Écrit par l'amiral Scott de Martinville
Le 3 septembre 1789, un peu plus de six ans après la signature du traité de Versailles ayant consacré l'indépendance des États-Unis d'Amérique, mouille en rade de Boston, un groupe de cinq bâtiments français commandé par le capitaine de vaisseau, vicomte de Pontevès-Gien, chef de la division des îles du Vent qui a sa marque sur le vaisseau de 74 canons L'Illustre. Outre trois frégates, ce groupe comporte un deuxième vaisseau de 74 canons, Le Léopard, portant la marque du capitaine de vaisseau, marquis de La Galissonnière, chef de la division des îles Sous-le-Vent.
Après une longue période d'entraînement à la mer qui a débuté fin juillet et un séjour au mouillage dans la baie de la Chesapeake, le groupe vient faire relâche à Boston pendant deux mois pour reposer les équipages, ravitailler les bâtiments et entretenir les liens d'amitié entre les deux pays.
Avant de quitter Boston, le 18 novembre, le commandant du groupe rendra compte(1) en ces termes du déroulement de l'escale: « J'ai à me louer infiniment de tous les procédés de Monsieur Hancock, Gouverneur de la République, de tous les Chefs et habitants, et j'ai l'honneur de vous rendre compte avec satisfaction, que tous les officiers et équipages se sont conduits de manière à mériter la bienveillance, l'estime, et même les regrets des Bostoniens. Dans toutes les rencontres et cérémonies qui ont eu lieu pendant notre séjour, j'ai été toujours placé et traité comme il était convenable, ainsi que le Corps de la Marine du Roi. Monsieur Washington, Président des États-Unis est venu en cette ville(2) , et y a été reçu avec tous les honneurs dus à un Souverain et je m'y suis conformé pour ce qui concerne l'escadre du Roi, le jour de son arrivée et celui auquel il est venu à bord de L'Illustre. »
Il terminera sa lettre en rapportant un événement qui a valu à un jeune officier français l'attribution d'une médaille par la Société humaine du Massachusetts(3): « Le Consul de France aura l'honneur de vous expédier(4) la copie du diplôme et le dessin de la médaille attribuée à Monsieur Scott de Balvery, lieutenant de vaisseau embarqué sur Le Léopard, qui s'est jeté à la mer de la dunette de ce vaisseau pour sauver un mousse qui y était tombé. J'ai cru qu'il convenait que je l'autorisasse à recevoir ce témoignage flatteur de la reconnaissance publique pour une une action d'humanité digne d'être distinguée, et qui fait honneur à la Nation française et au Corps de la Marine. »
Cadet d'une famille d'origine écossaise établie en France au XVIe siècle, François-Louis-Edouard Scott de Balvery était entré aux gardes de la marine à Brest en 1778. Embarqué successivement à bord de la frégate La Surveillante, puis des vaisseaux Le Duc de Bourgogne et Le Neptune, il avait participé aux opérations navales de la guerre d'Amérique: transport des troupes du comte de Rochambeau de Brest à Newport avec l'escadre du chevalier de Ternay, bataille du cap Henry avec celle du chevalier Destouches, transport de Newport à Yorktown de l'artillerie de siège française avec celle du comte de Barras, bataille des Saintes avec l'armée navale du comte de Grasse. Il avait été blessé en 1779, sur la frégate La Sensible, lors de la prise d'un corsaire anglais à l'ouvert du golfe de Gascogne.
Le journal The Massachusets Sentinel rendra compte de la remise de cette médaille en ces termes: « Samedi 7 novembre, conformément à un arrêté de la Société humaine de cette République, un Comité de cette société s'est rendu en la maison consulaire de France où se sont trouvés assemblés le très Honorable Vicomte de Pontevès-Gien, le Marquis de La Galissonnière et autres principaux officiers de l'escadre ainsi que tous les officiers du Léopard et où Monsieur Russell, comme Président du Comité, a présenté à Monsieur Scott de Balvery, une médaille d'or qu'il l'a prié de recevoir comme gage du souvenir de la volonté active et humaine qu'il a montrée en sauvant un jeune mousse tombé dans la mer où il se noyait.
Le discours véritablement éloquent du Président étant fini, Monsieur Scott lui a répondu en ces termes: « Je suis très flatté de recevoir de vous ce prix très honorable de l'action heureuse que vous voulez consacrer. Les citoyens du Massachusetts se sont distingués eux mêmes par la digne association à laquelle vous appartenez, et ce n'est pas le premier exemple de vertu générale qu'ils ont donné au monde: ceux qui ont combattu avec tant de courage et de succès pour la liberté doivent connaître mieux que personne le prix de la vie. »
Cette médaille représente, de face, la poupe et la galerie d'un vaisseau de guerre au bas duquel est un jeune-homme se débattant dans l'eau, et une personne s'élançant de ce vaisseau pour sauver cette victime, avec cette légende « vitam pereunti » ; au revers de cette médaille, on lit l'inscription: « Massa. Hum. Soc. Dom. Scott de Balvery qui fretis impavide juvenem eripuit ». Cette médaille très bien gravée est de la main de Callendar. »
Quelques mois après son retour à Saint-Domingue avec Le Léopard, le lieutenant de vaisseau Scott de Balvery prendra le commandement du brick La Levrette. Lors d'une escale à Lorient en 1791, il émigrera vers l'armée des Princes dans laquelle il commandera une compagnie de gentilshommes bretons. Il disparaîtra en Manche avec son frère aîné, René-Paul-Marie, fin décembre 1792, dans le naufrage du navire de commerce à bord duquel ils avaient embarqué.
La médaille en or attribuée par la Société humaine du Massachusetts fut-elle engloutie avec lui ? Son devenir est en tout cas inconnu à ce jour.
(1) Lettre du capitaine de vaisseau de Pontevès-Gien ( 2.11.1789): Archives Nationales Marine B-4-279.
(2) Elu quelques mois auparavant, le premier Président des Etats-Unis effectuait une de ses premières visites des Etats de la jeune nation. Il séjourna à Boston du 24 au 29 octobre et fut reçu à bord des bâtiments de l'escadre française, le 28. Voir l'article trouvé par Stephen McLeod (Assistant to the President and CEO George Washington's Mount Vernon Estate and Gardens) dans la base numérisée « American Historical Newspapers ».
(3) La Société avait été fondée en 1786, pour faire connaître et récompenser les actes de sauvetage, les noyades étant un grand sujet de préoccupation pour les citoyens de cet Etat à vocation maritime. La Socété fut présidée à l'origine par James Bowdoin, premier Gouverneur du Massachusets.
(4) Lettre de Monsieur Deletombe consul de France à Boston (24.11.1789): Archives Nationales Affaires Étrangères B-I-210.
OUR ALLIES
It must afford satisfaction to every friend to America, to observe the perfectly good intelligence which subsists beween the citizens of the United States, and their gallant allies of the French nation. And what must add to that satisfaction, are the polite attentions and respect which have been shown to our beloved PRESIDENT by the Right Hon. the Viscount de Pontevès-Gien, and the other officers of the squadron of his Most Christian Majesty.
Immediately on the arrival of the President, the noble Viscount and the officers(conducted by the Hon. Consul of France, agreeably to the ordinance of the King) waited on him at his residence, and paid him their respects. And the President, in directing his Secretary to offer to the Viscount and other officers, his thanks for the obliging manner in which they have been pleased to honor his arrival in this metropolis, demonstrated how cordial to him, were the friendships and attentions of the allies of the Union.
On the Monday after his arrival, the Viscount de Pontevès again waited on the President, who was pleased to express his intention of visiting the squadron of his Most Christian Majesty ; which he did on the following day. On his arrival on board the Illustre, the Viscount introduced him to all the officers, amounting to thirty, who had the honor of fighting in the common cause, in America, during the late war, after which the Viscount presented to him the several ships officers of the squadron. Having visited the Illustre and the Léopard, the President returned to town, accompanied by the Commander of the squadron, much pleased with the elegance and beauty of the ships, and the order and urbanity of the French seamen.
The barge which conducted the President on board the ships, had the American flag at her bow and that of France on her stern, and one of the Majors of the squadron had the honor to act as cockswain.
Both going and returning the President received a royal salute from all the ships, and a federal salute from the Castle.
The Gazette of the United States
November 18th, 1789
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